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jeudi 12 mai 2016, par Webm.

Physiopathologie de la glomérulopathie extra-membraneuse

Philippe RIEU Service de Néphrologie, CHU REIMS

[Relecteurs E Daugas (Paris) et Bruno Hurault de Ligny (Caen)]

I. Tableau clinique
I.1. Epidémiologie :
I.2. Présentation clinique
II. Données histologiques
II.1. Examen en microscopie optique 3
II.2. Examen en immunofluorescence
II.3. Examen en microscopie électronique 4
III. Physiopathologie 6
III.1. Constitution des dépôts 6
III.2. Lésions induites après constitution des dépôts 8

La glomérulopathie extra-membraneuse (GEM) est la cause la plus fréquente de syndrome néphrotique chez l’adulte. Le diagnostic de cette néphropathie glomérulaire est histologique. Il nécessite la réalisation d’une ponction biopsie rénale qui montre des dépôts granuleux d’IgG et de C3 sur le versant externe de la membrane basale glomérulaire.

I. Tableau clinique

[bleu marine]I.1 Epidémiologie :[/bleu marine]

La GEM est responsable de 20 à 30% des syndromes néphrotiques de l’adulte. Elle est plus fréquente chez l’homme et sa fréquence augmente avec l’âge.

[bleu marine]I.2 Présentation clinique[/bleu marine]

Dans plus de 80% des cas, il s’agit d’un syndrome néphrotique impur associant :

 des oedèmes,
 une protéinurie > 3 g/24h,
 une albuminémie < 30g/L,
 et souvent une hématurie microscopique.

La maladie se présente parfois sous la forme d’une protéinurie de débit non néphrotique plus ou moins associée à une hématurie microscopique et/ou à une insuffisance rénale.

[bleu marine]I.3. ETIOLOGIE[/bleu marine]

Les causes de GEM sont multiples (Lupus systémique, médicaments, cancers, infection). Néanmoins, dans la majorité des cas (85%), l’enquête étiologique systématiquement menée n’identifie aucune cause. On parle alors de GEM idiopathique ou primitive. Récemment il a été mis en évidence que la plupart de ces formes (70%) correspondent à des dépôts d’auto-anticorps dirigés contre un antigène podocytaire, le récepteur de la phospholipase A2. Des anticorps anti-récepteurs de la phospholipase A2 dans le sérum des patients (anticorps anti-PLA2-R) peuvent être alors identifiés dans le sérum des patients.

II. Données histologiques

La biopsie rénale doit comporter au moins deux prélèvements : un destiné à l’analyse en microscopie optique, et l’autre pour l’étude en immunofluorescence. L’analyse en microscopie électronique est rarement nécessaire.

[bleu marine] II.1 EXAMEN EN MICROSCOPIE OPTIQUE[/bleu marine]

L’analyse histologique des glomérules montre peu de lésions :

 il n’y a pas de prolifération cellulaire (figure 1 et 2),
 la membrane basale glomérulaire (MBG) est normale (stade 1 ; figure 1) ou épaissie et spiculée sur son versant externe (stade 2, figure 1 )

Figure 1. Représentation schématique d’un glomérule en microscopie optique au cours d’une GEM stade 1. Comparé au rein normal (schéma encadré), seule la présence de l’empreinte des dépôts granuleux sur le versant externe de la membrane basale glomérulaire peut parfois être observée (stade 2). Avec l’évolution de la glomérulopathie extramembraneuse, les dépôts sont enchâssés dans la membrane basale glomérulaire (elle les recouvre) et leur empreinte apparaît dans son épaisseur. Ils lui confèrent un aspect en chaînettes (stade 3).

[bleu]II.2. Examen en immunofluorescence[/bleu]

L’examen clé pour confirmer le diagnostic est la microscopie à fluorescence. Celle-ci montre des dépôts extra-membraneux (sur le versant externe de la MBG, aux pieds des podocytes). Ces dépôts sont constitués de complexes immuns d’IgG-antigène cible (figure 2). L’examen met aussi fréquemment en évidence des dépôts de fraction C3 du complément.

Figure 2. Examen d‘un glomérule en immunofluorescence à l’aide d’un anticorps dirigé contre la chaine gamma des immunoglobulines permettant de mettre en évidence des dépôts granuleux d’IgG sur le versant externe de la MBG.

[bleu]II.3. Examen en MICROSCOPIE ELECTRONIQUE[/bleu]

Cet examen n’est pas indispensable au diagnostic de la maladie. S’il est pratiqué, il permet de mettre en évidence les dépôts denses aux électrons (qui correspond aux dépôts d’immunoglobulines) sur le versant externe de la membrane basale glomérulaire (Figure 3).

Figure 3. Segment d’un capillaire glomérulaire normal et au cours d’une GEM permettant de visualiser les dépôts denses aux électrons (correspondant aux dépôts d’IgG) dans la partie externe de la MBG, sous les pieds des podocytes.

III Physiopathologie

[bleu marine]III.1Constitution des dépôts[/bleu marine]

L’agression initiale est représentée par le dépôt de complexes immuns entre la membrane basale glomérulaire et les cellules podocytaires. Plusieurs mécanismes peuvent participer à la constitution de ces dépôts (Figure 4)

Figure 4 : Mécanismes physiopathologiques des GEM (d’après RJ Glassock et al., N Engl J Med 2009).

A. Les complexes immuns solubles se forment dans la circulation et sont captés par le rein. S’ils sont de faible taille, ils peuvent traverser la MBG mais restent bloqués au niveau des pieds des podocytes (dépôts dits « extramembraneux »).

B. Des anticorps circulants (auto-anticorps ou allo-anticorps) reconnaissent un antigène exprimé au niveau de la membrane plasmique podocytaire. La glomérulopathie est dans ce cas liée à la présence d’anticorps dirigés contre les podocytes.

Ce mécanisme a initialement été démontré chez le rat (modèle de la néphrite de Haymann décrite en 1959) où la maladie glomérulaire a pu être reproduite en immunisant des animaux contre un antigène podocytaire (la mégaline).

Un tel mécanisme a été récemment démontré chez l’Homme :
 après allo-immunisation maternelle contre l’endopeptidase neutre présentée in utero par son enfant. Il s’agit d’une situation très rare. (La mère a un déficit génétique complet pour un antigène podocytaire, l’endopeptidase neutre. Cet antigène, exprimé par les cellules sanguines de l’enfant est rencontré par la mère lors de l’accouchement. Elle rencontre l’antigène lors d’une première grossesse. Il y a alors allo-immunisation maternelle contre l’endopeptidase neutre fœtale. Lors d’une seconde grossesse, les anticorps anti-endopeptidase neutre maternels préformés vont reconnaître l’antigène exprimé au niveau de la membrane plasmique podocytaire de l’enfant, entrainant ainsi une GEM néonatale du nouveau né).
 Et surtout après auto-immunisation : la GEM dite « idiopathique » est souvent associée à la présence d’auto-anticorps dirigés contre le récepteur de la phospholipase A2 (70 % des cas environ). Ce récepteur est exprimé par les cellules podocytaires. La cause de cette auto-immunisation est encore incomprise.

C. D’autres auto-anticorps ont été décrits, mais la cible antigénique de la maladie reste encore mystérieuse chez de nombreux patients. Un antigène circulant traverse la MBG et reste bloqué sous les pieds des podocytes. Secondairement, les anticorps circulants dirigés contre cet antigène se lient à l’antigène planté dans la MBG. Des complexes immuns se forment donc « in situ » sur le versant externe de la MBG.

[bleu marine]III.2. LESIONS INDUITES APRES CONSTITUTION DES DEPOTS[/bleu marine]

La présence de complexes immuns au niveau de la MBG conduit à l’activation locale de la voie classique du complément au contact des podocytes. La formation du complexe d’attaque membranaire, dernière étape de l’activation du complément, lèse les cellules podocytaires.

Ces phénomènes entrainent une destruction du diaphragme de fente. En microscopie électronique, la disparition du diaphragme de fente donne un aspect de fusion des pieds des podocytes (figure 5). Les podocytes continuent à produire du collagène qui entoure les dépôts, donnant à la MBG un aspect hérissé (stade 2) ou en logette (stade 3).

Ces altérations de la barrière de filtration glomérulaire entrainent alors une protéinurie. Lorsque la fuite urinaire d’albumine est abondante apparaît un syndrome néphrotique.

Une partie des protéines filtrées est réabsorbée et catabolisée au niveau du tube proximal. La réabsorption massive de protéines par les cellules tubulaires induit la production de facteurs profibrosants tels que le TGF-, une altération des cellules tubulaires, une transdifférenciation des cellules épithéliales en cellules mésenchymateuses. Ces modifications conduisent à une destruction des cellules tubulaires rénales et à une fibrose interstitielle aboutissant à une altération du tissu rénal et à une insuffisance rénale chronique. La réduction du débit protéique urinaire limite donc la constitution des lésions tubulo-interstitielles. C’est le principe essentiel de la néphroprotection, au cours de la GEM comme au cours de toutes les maladies glomérulaires.

IV. Auto-évaluation

1. Quel est l’antigène exprimé par la cellule podocytaire cible des auto-anticorps responsable de 70 % des GEM idiopathiques (Une seule réponse juste) ?
A. La mégaline
B. Le récepteur de la phospholipase A2
C. L’endopeptidase neutre
D. La phospholipase A2
E. La fraction C3 du complément

2. Quels sont les mécanismes possibles de formation des dépôts extra-membraneux dans la GEM ?
A. Des anticorps circulant se fixent sur un antigène podocytaire
B. Des anticorps circulants se fixent sur un antigène constituant la membrane basale glomérulaire
C. Des anticorps circulants se fixent sur un antigène qui s’est planté sous les pieds des podocytes
D. Des anticorps circulants se fixent sur un antigène endothélial
E. Des complexes immuns circulants qui traversent la membrane basale glomérulaire et restent bloqués sous les pieds des podocytes

3. Parmi les propositions suivantes concernant la physiopathologie de la GEM, lequel (lesquels) est (sont) vrai(s) ?
A. Les lésions concernent essentiellement la barrière de filtration glomérulaire
B. Le processus inflammatoire aboutit à une prolifération cellulaire
C. Des dépôts d’IgG sont formés sur le versant interne de la membrane basale glomérulaire
D. Des dépôts d’IgG activent le complément qui lèse la barrière de filtration glomérulaire
E. Les altérations de la barrière de filtration glomérulaire sont à l’origine d’une fuite urinaire d’albumine

4. Quels sont les signes clinico-biologiques qui peuvent révéler une glomérulonéphrite extramembraneuse ?
A. Une insuffisance rénale aigue
B. Un syndrome néphrotique impur
C. Une protéinurie modérée
D. Une insuffisance rénale
E. Un syndrome oedémateux

RÉPONSES :
1 : B
2 : A ,C, E
3 : A, D, E
4 : B, C, D, E

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